J’ai toujours un malaise quand vient le temps de commenter
mes lectures du moment. D’abord parce que je suis aussi auteur et ça me place
toujours dans une drôle de situation de commenter le travail de confrères.
Aussi, parce que ça fait partie de mon travail d’écrire des articles et des
critiques et que dans mes loisirs… ben disons que j’ai envie de faire autre
chose.
Mais parfois, je lis des livres qui sont de véritables coups
de cœur et j’ai envie d’en parler autour de moi. Pour les faire connaître. Pour
donner envie à certains de les lire à leur tour. Mais je vous préviens, il n’y
aura pas de critiques en bonne et due forme. Seulement des impressions de
lecture, des commentaires, des pensées et, surtout, des recommandations de
lecture.
Commençons par Le Sabat des éphémères, un recueil de
nouvelles d’Ariane Gélinas publié aux éditions des Six brumes. L’auteure a un
talent unique. Quand j’écris une nouvelle, j’essaie de raconter une histoire.
Et, quand le texte est particulièrement réussi, je parviens à donner corps à un
personnage, à transmettre au lecteur ses émotions.
Ariane Gélinas elle, donne corps à des mondes, transmets des
atmosphères. Pas que ces histoires soient mauvaises, mais l’efficacité de ses
textes n’est pas aussi dépendant du récit que chez la plupart des auteurs. Elle
a un don particulier pour créer des atmosphères souvent noires, parfois
étouffantes et presque toujours troubles. Parfois, bien longtemps après avoir
terminé l’un de ses textes, je ressens encore les doux frissons qu’il m’a
procurés. Elle fait un travail d’orfèvre sur chacun de ses textes où chaque mot
à son importance. En quelques pages, elle crée des univers dans lesquels un
prend plaisir à se perdre.
Est-ce que je le conseille à tous : non. Son approche n’est
pas grand public, mais ceux qui apprécient les textes éthérés, parfois malsain,
vont en redemander. Bien sûr, comme dans tous les recueils, l’ensemble est
parfois inégal. Mais il n’y a aucun texte faible. Petit conseil : plutôt
que de lire les treize nouvelles d’un trait, je suggère de les lire à un rythme
plus lent – idéalement, une par jour – afin de goûter pleinement chacune des
expériences qui sont offertes. Car, en les lisant trop rapidement, je trouve
que l’ensemble nuit à chacune des parties. Les thématiques se recoupent, les
ambiances se mélangent. Mais peut-être que c’est seulement moi… ou que c’est
parce que j’aurais aimé faire durer le plaisir.
Ce qui est drôle, c’est qu’au moment où j’ai lu le recueil,
je travaillais justement sur un texte d’ambiance qui reposait sur un élément
propre à l’univers d’Ariane Gélinas : le labyrinthe. La lecture du recueil
a assurément contaminé ce texte. Vous pourrez en juger vous-même si "Au cœur de
la ville" est publié un jour. Attention, il ne s’agira pas d’un pastiche d’Ariane
Gélinas. Mais si je réussis à amener le texte là où je le veux, ce sera du
Lafrance (pour ce que sa veut dire) avec une influence assumée.
Deuxième lecture, dans un genre complètement différent :
Born to run. C’est un livre à thèse, clairement, qui emprunte beaucoup au style
journalistique (après tout, l’auteur est dans le domaine), mais c’est aussi un
superbe roman d’aventure qui permet de joindre deux de mes passions : la
course à pied et la lecture. Born to run, est un livre culte chez les coureurs.
Tout commence lorsque l’auteur se demande pourquoi il se blesse toujours en
courant. Et cette simple question à laquelle les médecins sont incapables de
donner une réponse qui le satisfasse, l’a guidé vers une aventure jusqu’au cœur
d’une des zones les plus dangereuses du Mexique à la recherche d’un peuple
réputé pour ses coureurs. En effet les Tarahumaras ont basé leur mode de vie
sur la course, en montagne, presque nue pied. Et ils courent sur des distances
folles, dans des lieux accidentés, presque toute leur vie. Et ils ne se
blessent jamais. Pour atteindre ce peuple, le journaliste Christopher McDougall
a rencontré bien des obstacles, dont des trafiquants de drogue, mais surtout
une palette de personnages colorés (des chercheurs, mais aussi des coureurs d’ultra).
Ce livre est un amalgame de plein de choses, tout en demeurant cohérent. C’est
une charge contre l’industrie des souliers de course : des souliers conçus
pour régler des problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés (la plupart des maux
propres aux coureurs sont apparus après l’invention des souliers de course). C’est
un essai sur une théorie de l’évolution humaine (en gros, l’humain a été créé
pour courir, pas pour le sprint, mais la course de fond et c’est ce qui lui a
permis de survivre). C’est l’histoire d’une enquête journaliste. C’est un
ensemble de portrait haut en couleur de gens qui le sont tout autant (et l’auteur
excelle vraiment dans l’art de brosser le portrait de ses personnages). Mais c’est
surtout un livre sur l’amour de la course. Et c’est dur de le refermer sans
avoir envie de se lancer sur les pistes (avec ou sans souliers, c’est selon).
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