Tous des faits divers (illustration Guillaume Robert)
Pendant trente ans, Lucien Demers a vécu au rythme des enquêtes policières alors qu’il était journaliste attitré aux faits divers. Ce fut l’un des meilleurs que le Québec a connu. Il a pratiqué la profession avant que le human interest ne prenne toute la place, quand la qualité d’un article ne se chiffrait pas en nombre de clics, de tweets et de partages.
Toute sa vie, il a ri de ses collègues de la télévision qui allaient foutre leur micro sous le nez des voisins, surtout que ceux-ci répétaient sans cesse le même discours : ils n’avaient rien vu venir, ne s’en seraient jamais douté, ne savaient rien... Lucien parlait à ceux qui savaient : aux enquêteurs, aux avocats, aux criminels. Il fouillait ses sujets pour en débusquer le moindre détail.
Puis, il y a dix ans, son nouveau patron lui a demandé d’interroger les deux enfants d’âge adulte d’un couple d’aînés qui venaient de commettre un double suicide. Lucien lui a expliqué qu’il avait un code d’éthique personnel : ne jamais publier de potins et ne jamais creuser dans les cas où les gens se donnaient volontairement la mort. Son rédacteur en chef lui a dit que ses scrupules l’honoraient, avant de le mettre à la porte pour confier le sujet à un plus jeune. Fin de l’histoire et de sa carrière. Il avait 52 ans. S’il avait un coussin financier assez confortable, il se sentait trop jeune pour être retraité.
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