lundi 23 mars 2015

Troisième extrait

Le spectacle Faits divers et autres curiosités va être présenté pour la première fois le jeudi 16 avril au Centre de la francophonie (302, rue Strickland à Whitehorse). D'ici là, je vais vous présenter différents extraits des contes qui seront présentés ce soir-là...

L’Ombre à la fenêtre (illustration Josée Fortin)



Tous ceux qui sont allés à l'université connaissent quelqu'un comme François. Il courait tout le temps après son argent, alors il ne venait jamais à la bière avec les autres. Il habitait au cinquième étage d'un des blocs impersonnels bordant l'Université Laval. Et comme il passait ses journées dans son deux et demi gros comme ma main, tout le monde pensait qu'il était studieux. Mais moi, je savais que ce n'était pas le cas. Je devais être le seul à aller le voir, à part ses parents quand ils faisaient un tour de machine. Parce que François, comment dire, ce n’était pas un champion des relations humaines. La plupart du temps, il était impossible de lui tirer un mot devant des inconnus – en fait, plutôt devant des inconnues, car il avait tout de même quelques amis avec qui il jouait à des jeux en ligne et… c’est à peu près tout. Les rares fois où il parvenait à s’exprimer en public, c’était pour vanter les mérites des femmes au foyer ou des conneries de ce genre-là. Le pire, c’est qu’il ne cherchait pas la controverse, je ne crois même pas qu’il comprenait pourquoi les rares femmes qui l’approchaient repartaient en colère.

Comme sa mère est la cousine du cousin de mon père – ou quelque chose du genre – et qu'on vient du même petit village de la Beauce, je l'ai toujours considéré comme un membre de ma famille. Et par chez nous, ça veut dire quelque chose. Alors, je passais le voir une fois de temps en temps, histoire de m'assurer qu'il respirait encore. Quand je lui rendais visite, je ne l’ai jamais vu étudier : il lisait, écoutait des films, jouait sur sa console ou son ordinateur… et je l’ai pogné quelques fois à observer ses voisins. Il ne s’en cachait même pas.

Il s'installait sur son futon et regardait les gens qui vivaient dans le bloc en face du sien, comme s’ils étaient les personnages de son petit théâtre privé.

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